La nouvelle Nouvelle Star : le mythe Sanderien

Publié le par nico'argh

Ce "phénomène" Cindy Sander me laisse une impression étrange. Due à l'air du temps peut être, entre désinformation, affabulation, et manipulation. Mais qui manipule qui ? Trois protagonistes au moins dans cette fable qu'on nous vend comme un conte de fée et qui ressemble plutôt à un marivaudage. L' "artiste", le "média" et le "recepteur", c'est à dire nous. Est ce que Cindy répond a une demande du récepteur ? C'est l'idée qu'accrédite le fait dit du "buzz" internet autour d'elle. Mais est ce que la télé ne nous a pas manipulé en montant, mettons, de toutes pièces un casting improbable, tendant l'hameçon Sander au spectateur stupide, qui s'en est saisi d'autant plus allegrement ?Ou bien Cindy n'est elle pas une fabuleuse affabulatrice, simulant a la perfection une naivetée et une gentillesse "ch'titesque", bonhommie bienveillante dans le pur style actuel de tentative de réanchantement du monde par les bons sentiments. Les paroles de sa chanson sont ainsi révélatrices, et encore plus révélateur le fait que personne tant dans l'intelligentsia culturelle que parmis les vulgarisateurs médiatiques n'insiste sur la troublante phénoménologie ontologique du texte de la fameuse chanson "Papillon de lumière", papillon étrange que je vais essayer de disséquer ici.
Prenons le premier paragraphe par exemple : Rien n'est plus fort qu'être en scène / Petite chenille j'rêvais déjà / Exister, montrer à ceux que j'aime / Ô Combien tout ça était inscrit en moi. Idée directrice : la prédestination ontologique, "héroique", à la starisation : tout ça était "inscrit en moi", je suis ce que je suis : il n'y a pas comme dirait Sartre de "néantisation", pas de possibilitée d'être autre chose que ce qu'on est. Pas de liberté. Pris au piège de l'essentialisme, de la prédestination, de la lumière des projecteurs. Phénomène ontologique révélateur de l'air du temps : "exister", c'est être ce qu'on est, accomplir sa destinée. Quoi de plus révélateur que cette assertion désormais fameuse : "Céline Dion c'est Céline Dion, Cindy c'est Cindy". Et Cindy, c'est une Star. Catégorisations simplissimes qui ont le mérite de donner, prémaché, au public, le signifiant qui vient remplir la case mythologique contemporain de la Star "nouvelle" génération : Star qui est Star justement parcequ'elle n'est pas Star, parce qu'elle est "décalée". Je pense a la nouvelle chanson de Didier Super : "Moi, je veux étre une star" : le mot "star" en language post moderne, c'est quelque chose d'ironique: une star c'est un objet médiatique qui semble original, alors qu'il procède de clichés éculés, et qu'il assume pleinement : "baroque", "kitsch", "cynique", "branché", "décalé", "Hype" ou "Has Been". L'originalité découle de la banalité absolue : le talent se niche dans la vulgarité, l'absolu dans le relatif, la qualité dans l'abscence affichée (volontairement ou pas, la est tte la question) de qualités, et l'essence dans l'existence pure : il n'y a pas besoin de reflexion, l'image remplit une case qui lui était destinée. La "nouvelle" Star, c'est finalement comme tout ce qui est "nouveau", un recyclage. Tout le monde peut être célèbre, c'est la conviction ontologique que nous permet le monde postmoderne, les fameuses "15 minutes de célébrité" de Warhol. Tout le monde "veux" être célèbre, c'est l'aliénation socioculturelle que permet cette démocratisation. Ce n'est pas parceque je veux être célèbre que je le peux, c'est parce que je le peux que je le veux. C'est parce qu'il est possible d'exister en tant que Star, que je "rêve" d'en être une. Et si finalement Cindy se mentait à elle même ? La suite de la chanson est encore plus ambigue :

Les filets qu'on me tend / Les pièges de ces gens / Les obstacles au-devant / J'passe au travers : Caractère typique de la mythologie héroique : le héros-star doit lutter contre des forces, ses travaux d'Hercule, pour prouver sa légitimité ontologique. Cindy est gentille, et l'appareil musical élitiste, cathartique, selectif, "raciste", ne veut pas d'elle. Mais elle, elle est comme nous. Et nous sommes tous des héros-star en puissance comme Cindy : nous pourrions tous être elle, nous nous moquons d'elle ou nous l'admirons, mais dans les deux cas justement parce que la mimésis est possible : nous ne lui somme pas insensible. C'est nous même que nous méprisons et jugeons, et c'est le cynisme absolu de cette démocratie culturelle postmodene. Cynisme qui a ses bons et ses mauvais cotés. Cindy, c'est la brutalité du diamant pur mal dégrossé face a la fadeur aseptisée des "artistes" conventionnels taillés sur mesure, c'est un produit qu'on nous vend avec la couenne et les os, mais en nous affirmant qu'il n'en est que plus authentique au gout. Moralitée apparente de l'épopée mythologique Sanderienne: malgré les "méchants" dieux de l'audiovisuel, la gentille héroine a sut porter nos valeurs humaines sur le devant de la scène, et transcender les canons artistico-ontologiques en vigueur, bravant le cynisme et les moqueries du peuple même. Ammoralité fondementale pourtant : le discours a posteriori de Cindy, parcequ'il camoufle habilement l'amertume sous l'indifférence utilitariste ( "qu'on m'aime ou pas, j'existe maintenant comme star" ) relève d'un cynisme absolu : son objectif n'est pas d'être aimée (c'est a dire d'exister via une relation d'altéritée, via une érotique de l'autre, une éthique de l'attirance)  mais d'être une star, envers et contre tout, dieux ET hommes, télévision et public recepteur. La "nouvelle" Nouvelle Star, ce n'est pas, contrairement a ce que le "buzz"  internet pourrait laisser croire, un individu populaire malgré ses carences, ou impopulaire malgré ses qualités, ni même un individu populaire grace a ses qualités ou impopulaire a cause de ses défauts. C'est tout simplement un individu qui existe en tant que Star, qui ne s'inscrit pas dans le champs de la qualité ou de la popularité, mais seulement dans le champ de la médiatisation : pour exister, il faut être vu, mais pas necessairement apprécié. Egotisme cynique : si le héros Sanderien cherche à donner du plaisir aux autres ("ceux que j'aime" dans le premier paragraphe) son existence en revanche ne dépend pas d'eux. La Star ontologique est donc un héros incompris et onanique, solitaire et fanatique (au sens ou le but de la quête -la starisation- se substitue éventuellement a ses moyens "classiques" - l'amour et la reconnaissance par l'autrui-public).

Les mots lourds et blessants / Les langues de serpent / Ne sont qu'une suite de paroles en l'air : C'est ici que le cynisme suppsé de la nouvelle nouvelle star se manifeste de la façon la plus troublante, la plus subversive. Obtenir du succès en dénoncant les causes de l'insuccès préalable, vendre aujourd'hui sous le couvert du "hype" non pas ce qu'hier on dénoncait comme "has been", mais la dénonciation elle même : le cynisme recyclé par le cynisme, la critique critiquée de l'intérieur, le système industrialo-artistique (les "langues de serpent" se mordant la queue... Beaucoup de coincidences. Cindy est elle aussi "naive" qu'elle le prétend ? Ses textes ont plus de potentiel subversif qu'elle ne le croierait alors. Héroine malgré elle ? Et pourquoi ne pas imaginer que c'est le serpent lui même qui a écrit, dans sa nouvelle langue, cette chanson ? Le serpent qui produit à la fois l'offre et la demande, qui, saisissant l'essouflement médiatique de son produit, manigance, avec la complicité passive et involontaire d'une artiste improbable et l'approbation inconsciente d'un public probable, un nouveau package, un package sublimant les critiques antérieurs ? Quant à la dimension "suicidaire" qu'impliquerait une telle interprétation du "phénomène" Sander, ne peut on pas imaginer, ne serait-ce que parcequ'il la cautionne, que le systême lui même est revenu de son propre cynisme , qu'il s'est désabusé, qu'il sait qu'il ne pourra se légitimer qu'en s'inoculant son propre venin, qu'il peut jouer la carte de l'auto-dérision suicidaire, et que dans cette pseudo éthique de l'autodestruction il joue en fait sa survie ? La personnalité d'André Manoukian est assez révélatrice de cette tentation post moderniste : il joue le jeu de la nouvelle Star, mais en en dénoncant justement les règles (c'est normal, ca fait partie intégrante du jeu lui même). Il est le boutefeu qui permet le recyclage, celui qui ouvre a l'espace déstabilisant et créatif de l'ironie apparente, du second degré dillettant et intellectuel, mais aussi de l'aliénation latente par un systême qui ne peut plus prendre ses victimes pour des cons, et est donc amené a leur faire croire qu'il les prend pour des intellos. Ce qu'on appelle communément le phénomène "bobo" : Cindy Sander, c'est  donc aussi un viatique hype pour bobo en manque de nouveauté kitsch (puisque le kitsch est hype), le produit cathartique et cynique d'un héroisme artificiel (la "star"), qui permet dans un premier temps de l'a priori de se moquer de ce qu'on est "heureusement" pas, c'est a dire une pauvre conne, pas trés belle, qui chante des choses stupides, dont on n'écoute pas les paroles, un "phénomène de mode" qu'on méprise ; dans un second temps, par hasard on les écoute, on se prend de compassion pour cette fille sortie de nulle part qui dénonce un systéme qu'on vomit justement, ce qui est l'aboutissment cynique ultime de la manipulation : le syndrome de Stockholm, la compassion envers le produit si "humain" d'une entreprise si inhumaine. Or ce serait oublier qu'en tolérant Cindy, le systême audiovisuel ne fait pas que "céder" a la pression populaire, mais la recycle, et peut être même l'impulse et la manipule : phénomène de société, phénomène populaire, qui sous l'apparence d'un suicide médiatique (et culturel) explicite ( la destruction des canons de la "star") et implicites ( destruction accréditée par le systême lui même)  nous renvoie l'image d'une société ou la  culture "populaire" ou "bobo" relève soit de la compassion soit de la condescendance, deux registres de l'aliénation, parfaitement maitrisés par l'emmetteur.
Papillon de lumière/ Sous les projecteurs / Papillon de lumière / Revit dans vos cœurs / Papillon de lumière / Garde tout son mystère / Papillon de lumière / N'a plus rien d'éphémère.... Quel mystère ? Celui du jeu ? de la parodie ? de l'auto dérision ? De l'égocentrisme médiatique ? Quest ce qui doit revivre dans nos coeurs ? Le volontarisme de type Sarkozyste, roullement entre réanchantement bienpensant et bienveillant du monde (ce que j'ai envie d'appeler "Ch'tisme", c'est a dire cette utopie au rabais de l'intéret général), et pulsion ontologique de célébrité (ce que j'ai envie d'appeler "conatus des 15 minutes", c'est a dire l'idée que toutes nos fonctions vitales seraient tendues vers l'existence en tant que star) ? Mais alors comment concilier cette essence sarkozyenne de l'homme, et l'ephémère de l'existence médiatique ? Dans le refuge du mystère, du "quant à soi" ? Mais comment concilier le mystère et la starification, l'ombre et la lumière, le privé et le public ? Cindy, c'est toi le mystère... Tu est la transcendance et l'immanence, le vrai et le faux, le systéme et l'ego, le pain et les jeux a toi toute seule, utopie dévoyée - ou syndrome décomplexé  ? - d'une société qui cherche l'humain dans son aspect le plus superficiel, qui dénonce et incarne a la fois cette nouvelle ontologie de l'homme, Papillon ou Serpent, Gentil ou Méchant...  Tu nous donne un héros a la dimension de notre époque, une héroine trouble et ambigue dans son absurditée, et qui nous rassure paradoxalement : tu signifie ce monde ou on recherche l'humain a tout prix, et cette quéte absolue en devient relative, car l'humain n'a pas de prix. Ce qui me trouble le plus est cette espèce de relation a sens unique, ton envie de donner a ceux que tu aimes sans rien attendre des autres, sans attendre l'amour, posture christique qui colle parfaitement a nos besoins sociaux actuels. Tu est a mi chemin entre Jésus et Dany Boon, quelque chose comme un mythe postmoderne inédit, celui de l'individu altruiste et communautariste, nouveauté dans la nouveauté, c'est a dire retour à l'ancien, au simple, au proche, au local, a l'identité. Et ce qui me fait peur, ce n'est pas toi : c'est qu'on ai besoin de mythes comme toi, qu'il y ait des individus  comme moi qui puissent s'identifier a toi (c'est a dire, au sens large, faire preuve de compassion, d'admiration ou de moquerie) et que ce que tu représente soit si typiquement symbolique des temps modernes. Tu est le symptome ultime de la crise de civilisation.

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T
et en même temps, la Nouvelle Star, c'est vachement conceptuel, parce que le précédent, Julien Doré, ça m'avait tout l'air d'un Katerine de série B... Alors, du médiatique élevé au rang des Beaux-Arts? il n'y a qu'un pas...
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T
Pascale Clark écrit dans Télé Star? Selon mes préjugés, c'est une petite rétrogradation, ça... Mais je suis sûrement naïf, car rien ne ressemble plus à un média qu'un autre média...<br /> <br /> Quand à Sandy, dont j'avais vaguement entendu parler, mais jamais entendu la chanson, c'est la victoire du dérisoire, du ridicule, en bref, la victoire de tout le monde. Et moi qui me dit que ma seule chance de percer dans l'art c'est de conceptualiser le dérisoire! Va falloir m'accrocher pour la novation!
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N
Ah bin tiens j'ai trouvé cet article éloquent ! :<br /> Maintenant, Cindy clame qu'elle a décidé de jouer avec les médias. "C'est grâce à eux que ça continue" dit-elle. Lucide, elle déclare avoir gagné plus que si elle était restée dans le jeu. Elle admet s'être fait ridiculiser devant la France entière, "mais le destin a bien fait les choses". Son ambition ? Signer avec une maison de disques, faire des tournées et que Papillon de lumière devienne...le hit de l'été. "J'ai même préparé deux autres titres". Dixit Pascale Clark, dans le même numéro de Télé Star:" vaut-il mieux être célèbre, quitte à être l'objet de moqueries, ou rester une star régionale ?" That is the question..."<br /> <br /> ...<br /> <br /> Sander, consciente des moqueries qu'elle suscite... ou se moquant elle même desdits moqueurs... that is the question....
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N
lol oui je me suis mal exprimé ! laisser l'autre faire ce qu'il veut de sa vie, non, je voulais dire, laisser l'autre avoir une emprise sur sa vie, quoi, parce que refuser toute ingérence d'autrui dans son quant à soi c'est un peu la mort de la vie, non ? Aprés c sur que c aussi la porte ouverte a toute les aliénations mais bon c un risque a prendre entre deux extremes : tout maitriser de sa vie, ou n'en rien maitriser, doit y avoir un entre deux !<br /> quant au capitalisme et au Tout, ça meriterais un petit essai d'ontologie : est ce que le capitalisme est le propre de l'homme, et est ce que l'homme est la matière du capitalisme ?
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T
J'ai laissé un com, mais il a pas l'air d'être arrivé...<br /> EN TOut cas, impressionnante réflexion. Si si, tu tiens la grande forme!!! Que de concepts philosophiques brassées avec une prévention et une délicatesse hors du commun!
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